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Avec Rendez-Vous, le froid et la rage de tout Paris vous explosent au visage

Derrière un nom en forme d'appel de l’œil se dresse l'histoire de quatre parisiens dont les références musicales ont fini par former, presque malgré eux, une symphonie rêche et bétonnée, à l'unisson de leur époque. Rendez-vous chez eux, dans le XXe.
04/02/2015 / Simon Clair

Les paysages finissent parfois par déteindre sur ceux qui les habitent. En plein milieu de l'hiver parisien, le vent s'engouffre le long du canal Saint-Martin, raclant les immeubles décatis et gonflant le mois de décembre d'une odeur de givre. C'est ici, entre le skatepark du quai de Jemmapes, les concerts du Point Éphémère et la frontière du métro aérien, que commence l'histoire de Rendez-Vous. C'était il y a trois ans, bien avant que le groupe ne signe l'impressionnant premier EP qui l'a récemment propulsé en tête des groupes parisiens à suivre en 2015.

Dans ce périmètre triangulaire du dixième arrondissement de Paris, Francis Mallari rencontrait Elliot Berthault avec les mêmes ambitions que celles d'un million de kids partout dans le monde : faire du skate et de la musique. Jusque là, l'un comme l'autre avaient pris l'habitude de bricoler dans leurs chambres leurs premiers morceaux, s’essayant à différentes sonorités jusqu'à affiner une identité musicale plus personnelle. En se décidant à composer ensemble sous le nom de Rendez-Vous, le duo signe des premiers enregistrements tenant plus du brouillon plein de promesses que du gage de réussite. « Donna » et « Youth », donc. Un diptyque froid, synthétique mais pourtant terriblement accrocheur. Dans la foulée sort aussi « Cat's Mirror », doublé d'une surprenante reprise du « Wicked Game » de Chris Isaak. L'histoire aurait pu en rester là. Un énième groupe de plus planté dans le décor musical parisien, quelques bons morceaux lâchés ça et là par des anonymes sur un Web déjà saturé de talents, et un avenir qui, comme pour la majorité des jeunes groupes, finit par se suspendre en plein vol, la faute au quotidien, au besoin d'argent, aux trajectoires de vie ou aux embrouilles entre potes. Sauf que non.

PAS VRAIMENT BAVARDS

Nous sommes presque trois ans plus tard. Dans un appartement du 184 quai de Jemmapes, toujours dans le même périmètre, en bordure du canal. Aujourd'hui, les anciens kids du skatepark n'ont finalement pas tellement changé, ils sont juste plus nombreux. Tandis que du fond du canapé, Francis a les yeux rivés sur une partie de Grand Theft Auto V, Elliot distribue des canettes de bière aux deux nouveaux membres du groupe. Depuis quelques temps déjà, Simon et Maxime ont en effet rejoint le duo et le tête-à-tête voix-machine a gagné en épaisseur, en finesse et en guitares. « Tu verras, il ne sont pas forcément très causants en interview » nous avait-on prévenus, comme pour désamorcer une éventuelle déception lors de l'exercice du question-réponse. Il est vrai que les rares interviews du groupe publiées ça et là font état de réponses linéaires et donnent finalement assez peu d'informations quant à la nature de ce groupe discret, pourtant capable d'envolées lyriques puissantes une fois sur scène.

Encore aujourd'hui, la solennité du magnétophone enregistreur posé sur la table coupe aussitôt court aux discussions et le groupe ne se raconte qu'avec parcimonie et timidité. « Après la sortie de notre première démo, on a senti qu'il se passait un petit truc, surtout grâce à la vidéo de '''' », raconte Elliot d'un ton faussement blasé. En mettant en musique une vidéo d'archive tournée en plein milieu d'une soirée gabber débridée, le clip du morceau en question avait effectivement de quoi marquer les esprits. « C'est juste un truc qu'on regardait en se marrant et le lendemain on a récupéré les images pour en faire un clip », poursuit Francis, du fond de son canapé. « On ne connaissait même pas le mot gabber, on a juste trouvé que le contraste entre les images et la musique était bien. Tu vois défiler plein de personnages qui deviennent super mignons avec notre musique, alors que quand tu écoutes la vraie bande-son, c'est une boucherie totale. Les mecs ont beau avoir des catogans et des petites lunettes, ils font super peur ». Pourtant, malgré l'engouement pour la vidéo (42.000 clics à ce jour) et l'attente suscitée par sa démo, Rendez-Vous n'embraie pas aussitôt sur la suite, préférant s'enfermer tranquillement dans le studio qu'il loue dans le quartier de Bastille. Il faut parfois savoir se faire attendre.

Le verdict 89 %
Il leur faudra peut-être travailler leur storytelling, encore que : avec un tube au potentiel infini comme « The Others » et l'envie d'en livrer d'autres, difficile de ne pas miser quelques kopeks sur l'avenir de Rendez-Vous. Leur musique est glaciale, névrotique et féroce, comme les métropoles modernes. En fait, leur meilleur atout se niche peut-être là : ils regardent l'époque droit dans les yeux.
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