Le 21 octobre 2003 arrive dans les bacs (oui, c’était avant les grandes heures du mp3, et on achetait encore, un peu, des disques à cette époque) Room On Fire, deuxième album immensément attendu des Strokes. Après le choc de leur premier, en 2001, les cinq new-yorkais se doivent de frapper fort, très fort. Pour marquer les esprits, devenir un grand groupe et non plus juste un bon. Pour entrer dans le légende. Ce sera chose faite, mais au moment de lancer la lecture de la bête, on ne sait rien. Puis, dès les premières notes, le premier refrain, c’est bon. C’est l’évidence. Les Strokes sont immenses. Et leurs singles, des tubes. "Reptilia", certes, deviendra très vite l’une des préférées des fans, particulièrement en live. Mais le premier, celui envoyé en éclaireur, s’appelle “”. Et celui qui leur ouvrira les portes des iPods du grand public, de mon père et de ta soeur, ce sera “”, bénéficiant en plus du sticker “Vu à la TV”. Le point commun entre ces deux titres ? Le son trouvé par Nick Valensi. Ces notes de guitares qui sonnent comme un synthétiseur. Immédiatement culte, encensé à l’époque.

Pendant ce temps, dans un appartement un peu pourri, à New York toujours, deux petits mecs bidouillent des sons. Ils n’ont sous la main qu’un ordinateur, au moins aussi entamé que les murs de la cuisine, mais peu importe, ils ont des idées. Parmi lesquelles celle-ci, très simple: récupérer ce son, et en faire celui de leur groupe. Ratatat est né de cette volonté de tout mélanger, d’entendre des claviers dans la basse, des guitares dans les beats (passés à l’envers). Et de remettre l’instrument au centre des débats. Faire de la pop, livrer les mélodies en temps et en heure, mais sans jamais prendre le micro. En 2004 sort Ratatat, premier album éponyme. En 2015, Magnifique, le cinquième. Entre les deux, des chansons toutes un peu similaires, et toutes un peu géniales. Ratatat, c’est comme la filmo de High Grant: à quelques exceptions près, on sait d’avance où on met les pieds. Et on en redemande. Ce nouvel album est leur merveille, leur Love Actually. Leur 10.

Le 3 novembre 2009, Julian Casblancas, loin de ses Strokes, se lance en solo avec Phrazes For The Young. Dès les premiers extraits, parfois dévoilés très en amont de la sortie, on sait: il vient reprendre en main l’héritage de son groupe. Ces deux riffs, ceux de “12:51” et “The End Has No End”, ils sont un peu à lui. Alors, il y va, il fait du Ratatat: le solo de “Glass”, la batterie de “Tourist”, les guitares de “River Of Brakelights”. Tout y est. C’est le même ADN, la même envie, les mêmes idées. La même volonté de revendiquer un passé tout en s’inscrivant dans le futur. 2003, 2004, 2009. Quelques notes, et de grands disques.

En 2015, le 17 juillet, sortira Magnifique, cinquième album de Mike Stroud et Evan Mast. Et ? Et la recette est la même. Plus ou moins. Loin de la noirceur de LP4, album bizarre et décevant, intéressant mais un brin chiant, Magnifique se veut bien davantage cheesy, léger. “I Will Return”, comptine surf music, évoque un baiser de cinéma (avec Hugh Grant, donc au ralenti, sous la pluie, et juste avant le générique de fin). “Abrasive” et “Rome, totalement décomplexées, ne sont que pure jouissance, là où “Nightclub Amnesia” impose la crainte, le malaise. Bref, les ambiances se suivent, ne se ressemblent pas. Les deux Ratatat s’amusent, et signent au passage leurs deux plus grandes chansons, “Abrasive” et “Rome” donc. Des merveilles que des écoutes répétées n’atteignent pas. Magnifique est un gâteau aux milles couches qui ne se périme en aucun cas. Un très grand disque qui nous consume.