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La Route du Rock: "Regarder en arrière, ce n'est pas le genre de la maison"

Putain, 25 ans !! Cette année, la Route du Rock fêtera donc son quart de siècle. L’occasion de revenir sur une folle aventure, avec François Floret, directeur général du festival, et Alban Coutoux, programmateur.
01/07/2015 / Nico Prat

En 25 années d’existence, (à St Malo du 13 au 16 août 2015) aura connu de grands, de beaux moments, mais aussi un paquet d’emmerdes. Bonne nouvelle: ses patrons sont disposés à évoquer les deux. Parce qu’on ne fête pas un tel anniversaire par hasard, parce que la Route du Rock fait définitivement figure d’ovni dans le paysage actuel (pensez donc, un évènement qui ne propose ni Christine & The Queens, ni Shaka Ponk) et parce qu’il serait temps de mettre les choses au clair: il ne pleut pas plus là-bas qu’ailleurs.

 

 

On est à quelques semaines de .


François: “On doit reconnaître que 25 ans, c’est une étape. Mais après avoir dit ça, c’est un peu une édition comme une autre, si ce n’est qu’il y a eu des travaux. Tu connais le terrain façon Vietnam ? Ou Verdun ?”


Oui, j’ai niqué une paire de pompes que j’aimais beaucoup.


François: “Beaucoup de gens me proposent de m’envoyer la facture, comme toi. Ce n’est pas nouveau: il ne flotte pas plus chez nous qu’ailleurs, c’est une légende débile. C’est juste que quand nous il pleut, ça reste. On est en Bretagne, ok, mais il faut être intellectuellement honnête. Bref, ça y est, le problème est réglé. S’il pleut, c’est évacué. C’est la grosse nouveauté de cette année. Et c’est un grand plus. C’est tout de même plus agréable de voir un concert au sec, en tout cas à peu près sec. Je sais que ça fait plaisir, ces photos d’anglais et de français se jetant dans la boue. Mais ça va cinq minutes”.


Vous avez l’impression d’être des survivants ?


François: “Non, mais un peu vieux con (rires)”.


Alban: “Nous n’avons jamais eu de plan de carrière, en imaginant ce que pourrait être le festival dans cinq ans, encore moins dans dix. Chaque édition remettait en cause le festival. Nous n’avons jamais eu de vision à long terme, même si depuis quelques années, nous sommes plus structurés. Au début, la Route du Rock est née d’une envie de faire des concerts, tout simplement. Les premières Route du Rock, c’était sans Internet, nos stagiaires n’en reviennent pas, mais ça ne nous a pas empêché de faire Garbage et The Divine Comedy”.

 

 

Au-delà du fait que nous ayons Internet aujourd’hui, même en Bretagne, la Route du Rock pourrait-elle voir le jour aujourd’hui ? Juste avec un peu de passion et d’envie.


François: “Je pense que oui. Tout est possible. Regarde le succès du Hellfest, c’est fulgurant. Il faut avoir la bonne idée au bon moment. Après, tous les festivals rencontrent des difficultés, mais cela ne les impacte pas de la même façon. Les plus faibles partent parce qu’ils ne se sont pas démarqués. Ceux qui restent savent être souples, et je parle pour nous. On résiste car on n’a jamais trop compté sur de l’argent public, on a toujours eu des moyens limités, on fait des offres très faibles aux groupes, on a cette réputation de radin, mais nous n’avons juste pas les moyens. Donc tu peux te lancer, mais il faut la bonne idée”.


Alban: “Il faut aussi avoir une vision. Mettre dans un champs les squatteurs de festivals que tout le monde connaît, ça ne rime à rien. La donne a changé, l’information va toujours plus vite. Mais une bande de potes avec un projet et une idée, il faut y aller”.


Pour les 25 ans, vous vouliez quoi ?


Alban: “On savait ce qu’on ne voulait pas. On ne voulait surtout pas rentrer dans le trip nostalgique. Le festival n’a jamais regardé en arrière, ce n’est pas le genre de la maison. Björk, c’est une artiste avec quasiment 25 années de carrière solo, donc ça un sens”.


François: “On voulait en tout cas un artiste de ce calibre. Björk, ou Radiohead, Blur…”


Vous avez essayé de casser la tirelire pour eux ?


Alban: “Impossible. Blur par exemple, ça coûte plus cher que l’intégralité du budget artistique du festival”.

 

 

Combien ?


Alban: “450.000 euros cette année pour le festival. Sans rentrer dans les chiffres, la dernière fois qu’on s’est renseigné, c’était juste impossible”.


François: “On a réfléchi à une solution, et il aurait fallu rajouter une soirée, avec uniquement l’artiste qui nous coûte un bras”.


Beauregard, à Caen, l’a fait l’année dernière avec Stromae.


François: “Quand tu as un cachet de ce genre à amortir, tu ne peux faire que le groupe, et vendre des billets un peu chers”.


Alban: “Mais ça ne nous intéresse pas. On ne veut pas additionner les groupes, mais proposer une programmation qui a du sens. Tous les ans, la question de pose: tel ou tel groupe colle-t-il avec le festival et l’idée que tu t’en fais ? C’est plus qu’un tableau Excel avec des croix, c’est un paquet de débats”.


François: “Demain, on serait racheté, les nouveaux propriétaires feraient peut-être n’importe quoi, sans comprendre l’ADN du festival”.


Cet ADN, vous l’aviez depuis le début ?

 

François: “Quand on a monté le festival en 1991, nous n’avions qu’une ambition: faire des concerts sans trop réfléchir. Les premières éditions n’étaient pas très ciblées, même si on programmait beaucoup de new wave à Rennes. Ce n’est qu’au bout de la troisième édition de la Route du Rock qu’on a commencé à faire une prog qui nous ressemble vraiment. Mais nous étions des gosses”.


Alban: “De 1994 à 1998, le festival a eu une image liée à la pop anglaise, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui”.


François: “Oui, cette image de festival britpop nous collait à la peau. Mais on a commencé dès 1999 à programmer de l’electro, ce qui n’était pas évident à l’époque. Quand on a fait jouer DJ Shadow, tout le monde n’a pas compris, lui le premier”.


Vous avez déjà eu envie de jeter l’éponge ?


Alban: “1997, c’était compliqué. On est reparti de zéro, c’était une mauvaise édition. Interdit bancaire, plus de bureau, on était trois ou quatre. C’était compliqué”.


François: “Mais on est reparti en 1998, avec PJ Harvey, une grosse influence, un record même à l’époque, et avec toujours l’envie d’y aller. Je suis reparti à 100%, j’ai quitté mon autre job. Et ça a permis de remotiver les troupes, et de forger une armure. On ne fait pas non plus de réunion psy ensemble. On part du principe qu’on en veut. Il y a eu des moments compliqués individuellement. 2002, c’était difficile aussi. C’était les intempéries, et nous n’avions pas d’assurance. Et puis 2012, l’année des JO. C’était la cata aussi. Mais on en a vu d’autres, et on en verra d’autres. En 1997, on était en plus interdit du site du Fort de Saint Père, sous prétexte qu’il y avait des débris de mines. Le sous-préfet nous mettait des bâtons dans les roues, il avait prévu des fouilles en septembre, un mois après le festival, donc trop tard. Bref, drôle de période”.


Un moment à retenir ?


Alban: “The Cure en 2005. J’étais fan étant ado, donc quand tu les rencontres plus tard, tu es heureux”.


François: “Pareil, pour les mêmes raisons. Au lieu d’aller à la plage, quand j’étais jeune, je rester dans ma chambre avec un pote, à boire du Bailey’s en écoutant les Cure. Donc organiser leur concert et remettre à Robert Smith un maillot du stade rennais avec The Cure écrit dans le dos, c’était magique. Ils étaient heureux, en famille (les parents de Robert Smith étaient là), c’était beau”.


Alban: “En plus, Smith connaît le festival, donc il était honoré d’y être. Et ils venaient de virer leur clavier, c’était donc une formule très rock”.


François: “Je me souviens aussi du fils du guitariste, douze ans, qui pendant les balances se saisit de la guitare du papa et joue. Il était bon. Salement bon”.


On vous souhaite quoi pour la suite ?


François: “Du soleil quand même”.

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