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Grand Bain: Fièvre en haute mer

Quelque part en France, un duo mixte s’échine à ramener un peu du soleil californien dans la grisaille hexagonale. Avec discrétion et talent, Grand Bain maîtrise ses leçons de pop sur le bout des doigts. Des doigts de fée.
17/03/2015 / Nico Prat

Erica von Trapp a 28 ans, est américaine. Jules de Gasperis en a 27, il est français. Leur histoire, d’abord professionnelle, est née sur Internet. Jules: “c’était en 2013, pour un autre projet musical, qui s’appelait H4R3M. On devait changer de chanteuse, et on a passé une annonce sur Craigslist - une sorte de Le Bon Coin international, pour ceux qui connaissent. Erica était en France depuis un petit moment et cherchait des débouchés pour ses inspirations musicales. On a passé une heure à discuter avant même de commencer à jouer”. Et le reste a suivi.

D’une simple envie de voix anglo-saxonne est née un duo, un couple. Finalement, H4R3M ne donnera rien, si ce n’est le champs libre à de nouvelles expérimentations, et de nouvelles chansons. Début 2014, les premiers pas en studio sont hésitants. Quelques accords ici et là, rien de plus. Et de fil en aiguille, un premier titre finit par faire son apparition. Pour finalement faire marche arrière: “Notre première chanson à deux, «Anything Else», était sympa, à base de pianos genre «Down is the New Up» de Radiohead, et avec une voix très soft, plus soul. Finalement on a enlevé la plupart des pianos dans le projet, ajouté des synthés, fait évoluer notre style de chant pour arriver à ce qu’on a aujourd’hui”.

Photo:

Aujourd’hui, Grand Bain (“on cherchait un nom en rapport avec l’eau, et on était au beau milieu d’une longueur de piscine à Paris quand on a vu le panneau Grand Bain qui délimitait les deux bassins. Une semaine plus tard, on n’avait rien de mieux”) connaît ses limites, son style, ses envies. Les petites choses à ne pas faire et les grandes à accomplir. Pas étonnant quand on connaît le parcours de Jules, visage connu de nos services depuis des années, entre autres après le succès rencontré en son temps par Laviolette. C’était les années 2000, les bébés rockeurs, Paris qui s’excitait. Puis le silence. Une bonne leçon ? Jules: “à l’époque on ne faisait pas toujours de la musique pour les bonnes raisons. Réussir dans ce business est un processus tellement imprévisible et long qu’il faut être prêt à défendre ton projet jusqu’à la mort, et surtout tisser avec le bon fil”. Et pourquoi pas, prendre son temps. Grand Bain ne tourne pas, ou peu. Grand Bain ne squatte pas les blogs, encore moins les pages des magazines spécialisés. Grand Bain compose, beaucoup, enregistre aussi, mais publie peu: “Mis à part un petit incident, une opération de l’appendicite, en janvier, on n’a pas arrêté de bosser sur notre premier EP depuis le mois de décembre, et on commence vraiment à être bien avancé. En plus on a la chance d’avoir un lieu de travail accessible quand on veut, donc on préfère ne pas forcer les choses et attendre d’être vraiment inspirés pour enregistrer du contenu. Quand tu penses que certains groupes comme Portishead mettent dix ans à sortir des albums, on se dit qu’il y a pire, mais c’est vrai qu’on est plutôt dans une logique de précision. C’est pas mal de laisser les couches de peinture un peu sécher pour voir les couleurs plus objectivement”. Concernant le live, malin, le duo, basé à Paris, choisit ses dates avec parcimonie dans une ville déjà saturée d’évènements en tous genres.

Aidés par un solide sens de la mélodie soutenu par des synthé, et deux voix qui se marient à la perfection (en attendant un nouveau claviériste, que le groupe cherche pour ses prochains concerts), Jules et Erica n’ont, pour le moment, pas d’autre plan que celui érigé il y a des années par un autre duo, Minus et Cortex. Il s’agit de conquérir le monde. Nuit après nuit, scène après scène. On pourra s’en rendre compte ce samedi (21 mars), . Où, sans nul doute, le même petit miracle survenu en octobre dernier, se produira de nouveau: “On était sur la scène du Bus Palladium, et les gens ont commencé à sauter et à reprendre les paroles de certains titres comme «No Country», et malgré un son a peu près pourri, on a vraiment ressenti un truc très fort”. Les choses se mettent en place, lentement mais sûrement. Préparez vous à plonger.

Le verdict 92 %
Tourné vers les années 80 (parfois honteuses, Eurythmics, ce genre) et en même temps terriblement moderne, le duo est jeune, sexy (les magazines vont adorer) et sait prendre son temps. Presque un don à l’époque actuelle. Difficile de ne pas entendre en «No Country» un tube évident. On les sait capable d’en pondre une douzaine du même acabit. Des classiques pour les clubs, des classiques pour la France. Reste à émerger de la masse. Ce que deux ou trois refrains bien sentis devraient régler sans trop de souci.

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