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Marco Kamaras: “Les refrains me font peur”

Hongrois de 26 ans ayant selon ses propres mots “grandi à droite à gauche”, Marco Kamaras n’est (pour le moment) sur aucun radar. Les choses devraient rapidement changer. Il est notre nouveau Next Big Thing.
08/04/2015 / Nico Prat

“Je m’appelle Marco Kamaras, Kamaras depuis seulement deux générations, anciennement Kleïn”. Dès les premiers mots échangés avec notre Next Big Thing, c’est une histoire familiale qui se superpose à l’aventure musicale. Honnête dans sa pop comme dans ses propos, Marco se dévoile d’entrée de jeu, chose plutôt rare dans un milieu fait de faux-semblants et de biographies imaginaires. “Mes débuts dans la musique sont une revanche de ma mère, elle a eu une enfance joyeuse, mais elle a grandi avec peu de choses. Et je crois que le fait de m’acheter un piano était une sorte de réparation pour elle, moi je suis rentré à la maison et un jour un professeur autrichien austère m’attendait, de temps en temps il me montrait qu’il était satisfait de moi en me donnant un Ricola à l’anis dégueulasse, mais qui avait un arrière-goût de triomphe”. Il n’en fallait pas plus pour faire d’un gamin, un passionné, d’un innocent, un déterminé. Et pourtant, s’il n’y avait eu cette mère, cette volonté farouche d’élévation par la musique, et bien, il n’y aurait tout simplement pas eu ces quelques lignes. Marco: “Ma famille n’était pas du tout mélomane, ma mère écoutait de la musique en voiture en fredonnant, mais elle ne connaissait aucun des titres ou le nom des artistes, c’est comme les gens qui fument quelques cigarettes en soirées, mais ne sont pas accros”. Tout simplement.

“Seventeen est une des rares chansons clairement autobiographique, j’ai rencontré une fille sublime sur la plage de Copacabana (sans déconner) dans le cadre d’un voyage autour du monde en sac à dos après mon bac. On a passé la soirée ensemble et le lendemain elle m’a avoué qu’elle essayait de trouver un client pour son baptême de prostitution. Elle a reçu un coup de fil et elle est partie, je ne sais pas ce qu’elle est devenue. Et il m’arrive de penser à elle”.

La grande histoire débute avec les Beatles. Comme tout le monde, d’une façon ou d’une autre. Et là encore, c’est maman qui déclenche les hostilités: “Je me souviens avoir adoré “Dig A Pony” et “I Me Mine” en particulier. Les plus nazes de l’album Let It Be, mais je devais avoir 8 ans”. Ma première vraie émotion musicale était “Babe I’m Gonna Leave You” du premier album de Led Zeppelin, c’est le moment ou je me suis dit que j’allais en faire ma vie”. Mais d’abord, il faut composer, trouver un style éventuellement (ou piquer celui du voisin). Il faut se planter sur scène, casser ses cordes, brûler son ampli. Bref, il faut apprendre: “Ma première chanson était un arpège que j’ai détourné d’une méthode d’apprentissage de guitare, j’ai changé un accord que je n’arrivais pas à faire et je jouais une note de basse avec le pousse par dessus. Je n’ai jamais eu la patience d’apprendre un solo note par note, donc dès que j’apprenais trois nouveaux accords je préférais écrire une chanson plutôt que de m’essayer à “Losing My Religion” ou autre “Smells Like Teen Spirit”. D’ailleurs, je ne sais pas vraiment jouer d’autres chansons. Ambiance de merde aux soirées autour d’un feu sur la plage garantie”. Et d’ailleurs, composer un tube comme ceux qu’il cite ? Un projet ? Une envie ? Même pas une idée. “Les refrains me font peur. J’ai toujours préféré les couplets aux refrains, j’ai mis du temps a me familiariser avec ces derniers, j’emmène souvent des “thèmes” de neuf minutes a mes éditeurs, il faut voir ce genre de rendez-vous  c’est très drôle. Ils sont très patients et bienveillants, heureusement pour moi. Ils m’apprennent que populaire n’est pas un gros mot”.

“Cette voix féminine qui m’accompagne, c’est ma mère. Elle chante en hongrois. Cette chanson est une déclaration d’amour à ma mère qui m’a élevé seule comme une guerrière amazone, Top Model et maman ours, c’était quelque chose à voir. Le “44 teeth Bear” c’était notre sublime Chow Chow noir à la langue bleue qui terrorisait les Bichons et autres Chihuahua de Paris”.

Un classique, ça se compose par hasard. Il n’y a pas de règle, aucun guide, aucune suite logique. “Le seul qui avait peut-être une formule parfaite c’était Gainsbourg, un truc d’alchimiste, qui s’approche d’un algorithme à la Google, imparable. Sinon ce qui fait un tube reste un mystère, j’ai récemment écouté Corey Hart, “”. Cette chanson est un tube et elle est super bizarre ! Il y a un pont qui fait semblant d’être un refrain et ensuite ça monte encore, c’est hyper étrange et pourtant tout le monde la connaît”. Bientôt, parions-le, tout le monde connaîtra Marco. Il faudra juste faire oublier des débuts, disons, pas simples: “La première fois que j’ai chanté pour quelqu’un d’autre que ma mère, c’était lors d’un concert qui fêtait la carrière de François Bernheim (ex Soliste de la Manécanterie des Petits Chanteurs à la croix de bois, auteur-compositeur, chanteur, ndlr). J’étais entre Veronique Sanson et Patricia Kaas !”. Saut dans le temps. On arrive en 2015. Tout est prêt. “J’ai mis deux ans à faire quelque chose dont je suis fier”.

Et demain ? Demain, c’est loin. Il y a certes un agenda (le 23 mai en concert gratuit à l’International, à Paris), des étapes. Mais aussi des ambitions, des rêves. Marco sait ce qu’il veut. Il désire “une longue carrière pleine d’expérimentations, de chutes et de moments de grâce, plutôt qu’une courte, mais foudroyante notoriété”. Mais, ajoute-t-il,  “je ne crois qu’on choisisse ces choses-là”. Et en attendant de savoir ce que le destin lui réserve, il gratte. “J’écris sur ce que je vis, sur ce qui me fait peur ou m’excite, j’aime bien les textes qui peuvent avoir plusieurs lectures. Je préfère largement l’interprétation personnelle des gens à l’idée d’une réponse précise sur ce que devrait dire ma chanson”. Quant à la scène, là encore, c’est avec une franchise qui l’honore que Marco annonce la couleur: “Ça ne marche pas toujours, mais quand c’est le cas, c’est fabuleux comme sensation. En live, c’est moi, mais sans le côté terre à terre, c’est comme si je n’avais jamais fait la queue pour renouveler ma carte vitale , c’est un moi qui n’aurait jamais attendu pour acheter du papier toilette extra doux dans des sacs en plastique”. Il faut donc aller le voir sur scène.

Le verdict 87 %
Quelque part entre Nick Cave, Tom Waits, Lou Reed et Bowie (“des influences et des modèles”), Marco Kamars n’a pas encore en main les mêmes cartes que ses aînés. Peu de chansons, et surtout, des titres qui mériteraient, parfois, davantage d’audace, une production plus éclatante. Mais le projet est jeune, le chanteur aussi, et la composition qui va avec. Un pari ? Oui. Sans risque pourtant. S’il a peur des refrains, eux se nichent chez le musicien. Il n’a plus qu’à les trouver, et à les dompter.

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