Rock En Seine 2015: Kasabian, Libertines, Chemical Brothers, Tame Impala... Mais le festival du Domaine de Saint Cloud, c'est bien plus que de grands noms. La preuve avec cinq découvertes, cinq noms à retenir, et à voir sur scène fin août.
magazine / interview
Ratatat: "Nos vies ne sont vraiment pas intéressantes"
Ils ne sont pas particulièrement bavards et dans un monde idéal, n'auraient pas spécialement besoin de se dévoiler, de raconter les coulisses de l'enregistrement de leur cinquième album. Evan Mast et Mike Stroud sont pourtant les auteurs de l'un des plus beaux disques de l'année (oui, déjà) et ce retour tant attendu devait nécessairement s'accompagner de quelques séances en tête-à-tête avec la presse, et d'une poignée de concerts pour teaser les nouveautés. On les retrouve donc affalés dans le canapé de leur label, quelques jours après le festival Primavera, où ils se produisaient en compagnie des Strokes, Interpol, Black Keys, Jungle, Baxter Dury. Et une curiosité.
Evan: “C’était vraiment bizarre ce concert de non ? Je n’ai pas compris en voyant ça, c’est juste trois notes pendant de longues minutes. Cependant, je trouve ça cool de programmer ce style de musique en festival, c’est vraiment rare. Mais je me demande qui écoute ça le matin en buvant son café. Personne sans doute”.
Mike: “Il s’est approché du micro au début du concert, puis… N’a pas chanté une seule ligne pendant vingt minutes (rires)”.
Quand avez-vous commencé à bosser sur l’album ? Il s’est fait attendre.
Evan: “En 2011 je pense. On a commencé à bosser dessus pendant quelques semaines, avant de décider de prendre six mois de vacances, à ne rien faire. Tu sais, on est en tournée depuis dix ans. Sans s’arrêter. On avait besoin de prendre du recul”.
Mike: “Et au final, on a eu un agenda plutôt léger. Quelques semaines très intenses, puis plus rien pendant des mois”.
Vous faites quoi pendant des vacances de six mois ?
Evan: “Au final, on allait tous les deux au studio. Juste pour se tenir en forme en quelque sorte, enregistrer des trucs sans se soucier de ce que ça allait devenir”.
Comment naissent vos morceaux ? Il y a des règles, une méthode ?
Evan: “On joue, c’est tout. On est tous les deux en studio, on s’échange nos idées, et on assemble les pièces. Si son riff colle avec mes notes de synthés, quelque chose commence à prendre forme. On réagit à ce que propose l’autre, on ne se force pas, on n’essaye pas de savoir d’où viennent les choses. Tu peux être certain que le résultat ne sera pas à la hauteur si tu pars avec une idée en tête. Elles viennent au fur et à mesure. Avant d’enregistrer, on ne pense pas à l’album fini”.
Mike: “On pense plus à comment nous allons nous habiller (rires). Mais je crois que pour cet album, par rapport aux autres, nous étions moins guidés par le beat que par la mélodie”.
Il y a beaucoup d’hésitations ?
Evan: “Tu sais quand un morceau est terminé. Je ne peux pas te l’expliquer, c’est juste que tu le sais, c’est tout. En général, on boucle le morceau, et on le laisse reposer. Quand tu reviens un ou deux mois plus tard et que tu souhaites rajouter des trucs, de toute évidence, il n’était pas vraiment fini. Mais si tu ne trouves rien à ajouter, alors c’est bon, tu peux le mettre sur l’album”.
Et en réécoutant vos précédents disques, il y a des choses qui manquent selon vous ?
Mike: “Oui, mais c’est normal non ? On entend forcément la petite bête, le truc qu’on regrette. Des trucs de mix, des guitares pas assez fortes. Mais ce n’est pas bien grave”.
Vous réfléchissez à la façon de sortir le disque, ou vous laissez ça au label ?
Evan: “L’idée est de teaser les gens. On aime Cream On Chrome, le premier single, et on pense qu’Abrasive est vraiment puissante, c’est donc le deuxième single. Mais tu sais, il y a plusieurs façons de lancer la promo d’un album. L’un des premiers titres de Magnifique dévoilés, c’est le morceau d’introduction, qui s’appelle juste Intro. On voulait même que ce soit le premier single. Mais je pense qu’Abrasive sera le single principal de ce disque”.
J’imagine que vous avez beaucoup de choses en commun. Mais les différences ?
Evan: “Mike adore Led Zeppelin, et je déteste”.
Mike: “C’est vrai”.
Evan: “Mais je crois que nos goûts sont plutôt similaires, c’est plus nos personnalités qui divergent”.
Mike: “Mais on partage le même sens de l’humour, un peu pourri. On aime aussi faire des jeux de mots pourris”.
Revenons à l’album. Ca vous arrive de proposer un riff, de composer autour de ça, et de vous rendre compte que c’est déjà pris ?
Evan: “Oui, ça arrive, et ça craint. C’est vraiment chiant quand ça se passe. C’est frustrant car tu pensais avoir une super idée. Et dans ce cas, tu n’es pas obligé de t’en débarasser, mais ça dépend, à quel point ton riff ressemble à celui des Beatles ou de Led Zep. Tu peux toujours rajouter des couches et planquer ça derrière autre chose”.
Vous pensez à l’avenir ?
Mike: “Pas vraiment. On n’essaye pas de contrôler quoi que ce soit”.
Evan: “On se dit parfois qu’on voudrait faire tel ou tel album, mais ça ne dure jamais longtemps, ça ne donne rien de bon”.
Vous vous souvenez de votre premier coup de coeur musical ?
Evan: “Michael Jackson, avec Beat It. J’avais cinq ans”.
Mike: “Moi aussi, mais je me souviens d’un album d’abeille”.
Evan: “Pardon ?”
Mike: “Pas la moindre idée de ce que c’était, mais j’avais un vinyle sur lequel on entendait une abeille, ça faisait bzzzzzzz pendant de longues minutes, et je dansais comme un dingue dans le salon. Je dansais tellement que j’ai fini par faire pipi dans mon pantalon”.
Evan: “Tu avais un album d’abeille ? Et tu dansais dessus ? (Rires)”.
Mike: “Bah oui”.
Evan: “Mais il y avait de la musique ?”.
Mike: “Non, même pas. Juste des bruits d’abeilles. En fait je n’aimais même pas tant que ça la musique quand j’étais gamin. J’étais plutôt fan de sport. Je faisais du baseball, et la musique n’est entrée dans ma vie qu’à l”âge de dix ans je crois”.
Evan: “J’ai un grand frère, qui faisait du piano. Mais mes parents n’y connaissent rien en musique”.
Mike: “Mon père doit connaître cinq chansons en tout. Dont ”.
Parlons d’Abrasive, le nouveau single. Vous le savez quand vous avez un potentiel tube entre les mains ?
Evan: “C’est ce qui était si frustrant avec Abrasive. On savait qu’on avait quelque chose de fort entre les mains, et on ne voulait pas tout gâcher”.
Mike: “C’est un hit potentiel. On arrêtait pas d’écrire des trucs qui ruinaient le morceau”.
Evan: “Donc on l’a mis de côté pendant un certain temps”.
Un album qui a commencé à être composer il y a quatre ans, on imagine qu’il vous ennuie déjà.
Mike: “Non, car la plupart des titres présents sur Magnifique sont au final plutôt récents. On a composé tellement de titres. Je pense qu’on en a laissé au moins 40 de côté”.
Et ce qu’on fait en ce moment, les interviews, vous n’avez pas le choix ?
Evan: “On a toujours le choix, mais on en fait pas tant que ça au final. Ce n’est pas quelque chose de désagréable, mais ça peut le devenir. L’autre jour, à We Love Green, un mec nous a demandé de décrire notre son. C’est la pire question du monde. Tu écoutes nos albums et c’est tout”.
Mike: “C’est pour ça qu’on enregistre des albums, pour ne pas avoir à décrire quoi que ce soit”.
Et quand on arrive sur des questions plus personnelles…
Evan: “C’est rarement le cas, vu qu’on ne raconte pas grand chose au final (rires). On ne va pas sur Twitter, ni Facebook. Nos vies ne sont pas intéressantes. Vraiment pas”.
Si demain tout devait s’arrêter ?
Mike: “Je crois que je prendrais des leçons de cuisine. C’est fun de cuisiner. Mais je ne connais que quelques recettes. Evan cuisine bien”.
Evan: “Oui, j’aime bien. Mais si demain ça s’arrêtait, je crois que je voudrais faire du cinéma, derrière la caméra”.
Vous avez vu quoi récemment ?
Evan: “La Grande Bellezza de Paolo Sorrentino, le réalisateur de Youth”.
On arrive à la fin de cette interview. On vous souhaite quoi ?
Mike: “Tu peux nous souhaiter de sortir un autre album, et un bon”.
Vous y pensez déjà ?
Mike: “Pas vraiment. Mais c’est vraiment bizarre. Une chanson comme Abrasive nous a pris des mois, et Cream On Chrome, une seule journée. Parfois, tu te sens merdeux. Mais c’est rare, vraiment rare. Tu sais, ce n’est pas un métier, en tout cas pas un métier comme un autre. Les seules fois où on a l’impression d’aller au bureau, c’est quand on y va vraiment, quand on a doit discuter avec des patrons, regarder des documents, ce genre de trucs. Là c’est chiant”.
Magnifique - Sortie le 17 juillet