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Qui a encore peur du grand méchant métalleux ?

Alors que la neuvième édition du Hellfest a touché à sa fin il y a quelques jours, comme chaque année dans la joie et la bonne humeur, que reste-t-il des craintes du grand public et du business encore trop underground de la scène extrême française ? Rencontre(s) et réponse(s).
24/06/2014 / Nico Prat

Aerosmith, Black Sabbath, Deep Purple, Iron Maiden, Megadeth, Rob Zombie, Slayer et Status Quo étaient cette année les grands noms du Hellfest Festival, rendez-vous métal annuel et chaque année ou presque, l’occasion pour Christine Boutin de rajouter une connerie de plus à son CV pourtant riche en la matière. Un événement qui affiche complet. Ce festival de l’enfer, malgré un genre peu représenté dans les médias traditionnels, hormis la demi-douzaine de clichés repris sans imagination dans les JT. Le métal, ça fait de l'image.

est animateur d’une émission de métal, chaque dimanche soir sur la radio Le Mouv’. est un groupe hardcore parisien, formé durant l’été 2013. Sponge est rédacteur en chef du webzine belge , fondé en 2008. Et Gunther Love est membre des Airnadette, et ancien artiste métal. Ils sont tous fans et acteurs d’un milieu qui ne fait plus forcément peur à grand monde, mais reste, parfois, un mystère. Question : comment va le métal ? Réponses.

Gunther Love : J’ai découvert le genre avec le Black Album de Metallica. J’étais en cinquième, j’écoutais Jamiroquai, et il faut se souvenir qu’à l’époque c’était encore cool. Bref, mon frère me demande de lui récupérer cet album chez un voisin. Je me retrouve avec ça dans les mains. Et c’était parti. Puis il y a eu Nirvana, les Guns… Je ne connais rien du métal en France. Rien. Je me souviens surtout de la bonne santé du rock américain, qui cartonnait partout. Puis, j’ai commencé à bosser dans une SMAC, Les Cuizines, à Chelles (en Seine et Marne, ndlr). C’était en 1998, et j’ai été confronté aux groupes. Les scènes de musiques actuelles étaient les seules à donner leur chance aux groupes du genre.

Tanguy Blum : Je passe du métal sous tous ses styles. Punk, hardcore, doom… Des musiques extrêmes en gros. Il n’y a pas beaucoup d’émissions de ce genre sur les antennes nationales. Alors qu’il y en a énormément dans les radios locales. Il y a bien sûr «  » sur Ouï FM, qui se spécialise d’avantage sur la musique extrême commerciale. C’est leur truc. Je suis plus intéressé par la musique underground. Ce n’est pas une posture, mais sur le service public, ça me paraît important. Et c’est aussi tout simplement mes goûts.

Lodges : L’ère de la marginalisation du métal en France par les grands groupes médiatique semble être finie. Ça fait peut-être encore peur à quelques groupes religieux qui manquent un peu d’auto-dérision, mais dans l’ensemble, ça semble être redevenu socialement acceptable d’écouter de la musique extrême. Mais elle n’est toujours pas très bien comprise par la masse, du moins en France. Après il n’y a pas très longtemps j'ai vu une pub à la télé où un orchestre de mariage est remplacé par un groupe de black metal. Ce qui est plutôt fun je trouve. Le fait de tourner tout ça en dérision permet de briser le côté « sectaire » que peut avoir ce style aux yeux des profanes et faire avancer le truc.

Sponge : Le metal, c'est un peu comme Dieudonné : personne ne veut en entendre parler, et les dirigeants voudraient que ça reste underground. Sauf que le Hellfest fait tous les ans 120.000 spectateurs, le Graspop en Belgique fait je pense 140.000 environ, et que ça, ça les fait bien chier ! Pour ce qui est de la polémique Hellfest en France, on parle ici d'une catégorie bien spécifique de personnes qui sont des catholiques purs et durs, emmenés par Christine Boutin, qui s'arrêtent au black metal et aux paroles dites « sataniques » de certains groupes, et qui en font une généralité. Mais le metal, c'est bien plus que ça, ce sont des dizaines de sous-genres différents, où l'on retrouve même des groupes chrétiens qui prêchent la bonne parole sur scène ! , par exemple. Toute cette polémique n'est qu'une excuse pour se trouver quelque chose à faire, un os à ronger pour les vieux catholiques qui voient leurs églises se vider de plus en plus.

Gunther Love : Il y aura toujours un mec pour te défoncer et penser que c’était mieux avant. Il serait souhaitable qu’un groupe de chez nous, un jour, ait un tube en radio. Pour pousser les autres vers le haut. Écouter du métal, ça rend heureux. Mais ça rend seul. Essaye de passer du death métal en soirée, on te regardera bizarrement. Mais tu seras le mec le plus cool de la pièce.

Tanguy Blum : Les gros labels ont beaucoup investi dans les années 80 et 90, car il y avait de très gros vendeurs comme Pantera ou Metallica. Et aujourd’hui, ils ne le font plus, car le métal est devenu une musique de niche. Après, c’est compliqué de parler de métal, car il y a plein de sous-genres. Mais le vendeur, c’est le trash et ses dérivés, qui passaient même en FM en France. Beaucoup de genres ne passeront jamais en radio. Ce que j’aime dans la musique extrême, c’est qu’elle est extrême justement. Dans le son, dans les paroles, dans l’attitude, mais aussi dans son positionnement par rapport à la société et les médias. Quand on écoute cette musique, on a le sentiment d’appartenir à une tribu, même si je n’aime pas forcément ce mot. On se retrouve dans les concerts, sur un t-shirt ou un tatouage.

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