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Orties, les dames aux chlamydias
Sextape, c'est le titre aguicheur du premier album d'Orties, deux jumelles du 91 qui n'ont pas froid aux yeux et chaud au corps. Un phénomène rap sur lequel s'écharpe l'internet, la rédaction de Dumdum et qui a, excusez du peu, séduit Dev Hynes.
27/02/2013 / Alexandre Majirus

Orties ? « Sisi philis la famille ! » a-t-on envie de scander. Car derrière ce sobriquet qui pique, se tiennent deux jumelles recouvertes de fourrure, deux Vénus venimeuses et timbrées qui poussent le rap français à mémé dans les orties pour mieux le relever et lui imposer un ravalement électro-dark. Cela fait maintenant six ans que Kincy et Antha, 24 piges, sont dans le circuit. D'abord, elles ont végété dans les catacombes du rap-goth de la banlieue molle (Bures-sur-Yvette, 91) avant d'emprunter un virage plus synthétique et de liguer contre elles au moins trois catégories de haters. Ceux qui se réconfortent en pensant qu'Orties n'est qu'une comète sortie de nulle part, portée par un vent Tumblr et des médias aveugles (même si elles égrènent leurs premiers clips DIY sur Youtube depuis plus de deux ans). D'autres sont décontenancés par cet espèce d'Ovni musical qui a digéré autant les classiques du rap français (Doc Gynéco, Fuzati) que le rap métalleux et gore (Necro), le tout passé à la moulinette new wave ou carrément eurodance. Et enfin, il y a les Christine Boutin de la pop, persuadées qu'Orties compense un cruel manque d'inspiration et de talent par l'outrance, des formes callipyges, des bas résille, la drogue. De la provoc' facile pour les plus bégueules et les plus mélomanes donc ; mais une bonne éjac' faciale pour les pyromanes qui aiment quand sous la crasse la vérité dégueule.

Pour tout vous avouer, les avis divergent franchement au sein de la rédaction. Mais ce qui nous a poussé, d'un commun accord, à rencontrer Orties, c'est l'envie de sonder un phénomène clivant, tout à fait dans son époque et en même temps hors du commun. Car Sextape, leur premier album, sonne comme un mauvais rêve où se confondent vulgarité, poésie opiacée et clins d’œils pop (Bret Easton Ellis, Taxi Girl, esthétique kitsch) arrosés au vocoder (« Autotune Automne ») à la cyprine et au sang d'ex-petits copains négligents, de rappeurs huilés et machos. Interview syphilis, sex & seum.
 
Je préfère vous le dire d'entrée, je suis le seul chez DumDum à avoir aimé votre Sextape. Les autres seraient plutôt d'accord avec le papier de Next et son « démontage de buzz parisien »... Pourtant, il y a quelques erreurs dans l'article, ça a dû vous donner les boules ?
 
Antha : Première réaction, on s'est dit : « mince, c'est dingue, la journaliste a vraiment tout compris de travers. » Le mieux, c'est qu'elle fait mine de nous citer et nous fait tenir des propos qu'on n'a jamais dits : « On veut être subversives. » Jamais on a dit ça, c'est un peu bas. Mais Elvire Von Bardeleben se tape la honte toute seule, entre autres, quand elle dit que sur « P.A.R.I.S », lorsqu'on scande sur le refrain de « Paris Pourri », on fait référence à Justice alors qu'en fait, c'est un clin d’œil à Taxi Girl. Et puis elle a l'air courageuse : elle a signé le papier avec ses initiales...
 
Kincy : Mais toi tu as de la chance, ce sont pour la plupart mes paroles qu'elle cite en les déformant en mode neuneu ou en les sortant de leur contexte.
 
Antha : Ils me font rire ces jacteurs qui nous ont découvertes il y a un mois alors que ça fait plusieurs années qu'on galère dans l'ombre et eux s'amusent à parler de buzz. Le buzz parisien ? Mon cul, ça fait sept ans qu'on est là.

D'ailleurs, vous ne venez pas de Paris mais de l'Essonne.
 
Antha : Au début, quand nos premières vidéos tournaient sur internet, on nous traitait de « cassos' », de « pouilleuses ». Maintenant, c'est « les sales putes bourgeoises du XVIe arrondissement ».
 
Kincy : C'est épidermique, beaucoup de gens ne peuvent pas nous blairer et rien que d'écouter un morceau, ça leur file des boutons. Il y a une chasse aux sorcières super violente... Sur Internet, il y a carrément un petit réseau de haters qui appelle à tuer Orties (rires).
 
Antha : J'ai remarqué que cette haine venait souvent de mecs qui se croient trop hype et ont l'impression qu'on empiète sur leur créneau... « Qui sont ces meufs qui nous piquent nos clubs ? » (elle les imite avec une voix de pleurnicheuse, ndlr).
 
Kincy : Tekilatex ne peut pas nous saquer par exemple. Quand il a su qu'on passait au Silencio (le 13 février, ndlr), il était scandalisé. Bref, on n'a pas trop d'amis dans le milieu. Mais le prochain projet va rabattre le caquet de certains. On va sortir un EP produit par Dev Hynes. Au niveau des textes et de l'ambiance des morceaux, tout se rejoint autour de l'angoisse, du vide.
 
Antha : Les gens vont arrêter de jacter. Dev Hynes nous a découvert sur un blog et depuis il est fan. Et au moins lui, il est content qu'on chante en français. Les types qui critiquent nos textes devraient déjà s'estimer fiers qu'on écrive en français. Les américains, ils attendent quoi ? Que des groupes français chantent en français, s'imposent en mode France... et pas un Booba qui copie les cainris.
 

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Orties ; Interview ; Sextape plus pute que toutes les putes dev hynes seth gueko antha kincy judas lady gaga

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