Chroniques
Bernard + Edith Jem7 /10
L’histoire de la pop est pleine de duos combinant les noms masculins et féminins. Certains sont à oublier (Stone & Charden), d’autres jouissent d’un culte indépassable (Lee & Nancy, Eli et Jacno). S’il est encore impossible de savoir si Bernard + Edith appartiendra un jour à la seconde catégorie, l’on peut d’ores et déjà affirmer qu’il évite avec brio son entrée dans la première. Dès l’introduction « », entre chœurs sensuels et électro-pop glaciale, le duo de Manchester explore l’articulation entre format pop et expérimentations sonores, entre cold wave et ambiances lynchéennes – l’influence du réalisateur de Lost Highway est tangible jusque dans la voix de Greta Edith, à mi-chemin entre Elizabeth Fraser et Julee Cruise.
Ce premier morceau lancinant, que n’aurait pas renié Cocteau Twins, va hanter tout l’album, le premier de Nick Delap (Egyptian Hip Hop) et Greta Edith. Ceux-ci avaient été repérés l’an dernier avec Poppy, un EP conçu quelques mois à peine après leur première rencontre lors d’un concert de WU LYF. D’une passion commune pour Twin Peaks, The Knife ou encore les musiques électroniques japonaises, les deux compères y déployaient un imaginaire 80’s, avec toujours le fin souci de chatouiller la sensibilité. Publié par Bella Union (Poppy est sorti sur l’exigeant SWAYS Records), Jem prolonge cet univers à la fois contemplatif et élégant. Et pourrait même s’offrir un succès public grâce à sa doublette de tubes potentiels : « Poppy », donc, mais aussi « Crocodile » dont les incantations vénéneuses se révèlent aussi envoûtantes qu’effrayantes.
Si ses rythmes languides
et son spleen laconique sont toujours prégnants, Bernard + Edith montre qu’il sait aussi s’en affranchir pour déployer
sa vision très personnelle de la pop, à la fois fragile et cristalline, mystérieuse
et désabusée. Loin du simple hommage aux sonorités eighties, qu’ils manient avec dextérité, Nick et Greta osent introduire des éléments inattendus : les sonorités asiatiques (l’instrumental « China »), le trip-hop (« I Will Be »), les aspirations R&B (« Heartache »), etc. Bref, entre puissance et délicatesse, entre orchestrations synthétiques et mélodies aériennes, ce premier album est un ravissement qui, malgré ses références, ne cède jamais le pas à l’anachronisme.
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