Lewis Evans vit à Paris, a grandi près de Caen, et est né à Liverpool. L'ancien chanteur des Lanskies sort son premier album solo le 2 octobre. En attendant, il nous raconte, ici, sa première ville, celle de coeur. Avec ses mots.
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Lewis Evans et Liverpool: “nous sommes des nomades trahis par nos forts accents”
Liverpool est une ville abandonnée par sa mère Brittania qui la laisse entre les mains des voyous. Les docks étaient la fierté de la ville, mais ceux-là se voient fermés dans les années 80 par la dame de fer Maggie Thatcher. Alors Liverpool a perdu son poumon financier. Maintenant les docks sont une coquille vide. Certes ils accueillent le “Tate Modern du Nord” mais ce remplacement laisse un goût d’amertume.
Les touristes raffolent de ce safari, ils prennent des petits déjeuners anglais rechauffés au micro-onde et ils font leurs promenade autour des misérables boutiques dédiées aux Beatles. Liverpool “home of the Beatles”, si tu vas à Liverpool tu te rendras compte que la ville ne vit qu’à travers ces quatre gars . Des magasins, des guides touristiques pour aller voir une maison de merde dans une rue de merde de John Lennon ; il y a aussi des bus amphibiens jaunes qui traversent la Mersey. Et il y a des des tasses, des tee shirts dans tous les magasins, les Beatles c’est la seule musique qui passe. N’en font- ils pas beaucoup trop ? Nous adorons tous les Beatles mais please arrête de jouer “love love me do pleassssssseeeeeeeee”. Contrairement aux bobo’s Parisiens qui roulent en vélib’ avec aisance au bord de la Seine, le mec de Liverpool n’est pas un écolo comme les autres: il roule en taxi pas cher pour passer l’essentiel de ses samedis dans un club qui passe du Abba à minuit et du dubstep/techno fade pour finir la soirée.
Il y a aussi des endroits à Liverpool où tous les noctambules se retrouvent. Dans chaque ville il y a un endroit cool où chacun termine comme un zombie à la recherche de sa dernière pinte de sang. Je pense au Magnum, une boite où la musique fait saigner les oreilles et où on peut chanter haut et fort entrelacés comme une bande rugbymen. Les dealers guettent les happy étudiants qui ne passent pas à coté de leurs “disco biscuits” à pratiquement deux livres l’extase. Les étudiants bourgeois courent dans les rues, comme des bêtes ivres pré-pubers, totalement defoncés, ils bavent et vomissent comme des loups en phase terminale de la rage. Le charme virile d’une racaille scouser (scouser, habitant de Liverpool, nommé d’après un ragout de merde: patate bouillie, viande, et un mince navet). Le scouser attire le monde entier vers cette ville centralisée autour du fleuve le plus pollué du monde, la magnifique Mersey. Liverpool est une ville qui sent la viande bon marché et qui balance entre richesse et pauvreté. OUI Liverpool a été élue capitale européenne de la culture en 2008, peut-être pour compenser ses années capitale d’esclavagisme.
Premier port de transport d’esclaves en Angleterre elle gagnait jadis le surnom de"Liverpool Merchant”. C’est vrai que depuis dix ans Liverpool a même perdu sa scène musicale lâchement remplacée par des karaokés et des centres de jeu Bingos. Les friperies à Liverpool ressemblent a des magasins d’adolescents emos prêts à aller brûler une église en Norvège. Il y a aussi énormément de passionés, des têtes de bites depuis des générations de père en fils qui partagent une passion médiocre qui est d'aimer deux équipes de foot qui se divisent en deux: religion rouge , protestants, bleu, catholique… (Irlandais…).Oui l’Angleterre n’est pas laïque. Cette division rend Liverpool incompréhensible, quand j’étais à l’école, la cour était divisée en trois, ceux qui aiment les bleus, ceux qui aiment les rouges, et tous les freaks qui n’aiment pas le foot. C’était pire qu’un documentaire choc sur les prisons en Amérique. Chez ma grand-mère, qui habite prés du centre-ville (mais assez loin pour que transperce un climat d'après guerre). Des gamins jouent dans les rues dés l’âge de trois ans. Leurs couches fraîchement remplies, ils apprennent à frapper le ballon entre les crottes de chien blanches (ces crottes ne se voient qu’en Angleterre). Les grandes soeurs gardent prés d’elles un sac en plastique TESCO'S comprenant des chips et une bouteille de Dr Pepper. Nutrition à l’anglaise, consommée en dix prises, et pas trop tard dans la soirée s’il vous plaît.
Ok je ne suis pas loyal avec ma ville natale mais j’avoue que c’est une ville authentique. Notre gloire c’est la réussite qui pousse énormément des scousers à essayer d’en sortir par tous les moyens et le plus souvent ce sont les milieux culturels comme la musique ou le cinema qui offrent une porte de sortie. N’importe où et même partout où je vais, je rencontre quelqu’un de Liverpool ; nous sommes des nomades trahis par nos forts accents. Cet accent ridiculisé par nos propres compatriotes (juste parce qu’au lieu de dire “chick” on dit “schircckkke”) .Le scouser aime la vie, aime déconner, aime sa famille, déteste la Reine. N’a pas confiance dans la politique. Liverpool reste mon chez moi, mon home sweet home. L’endroit où j’ai appri à faire du vélo et où j’ai tapé pour la première fois dans le ballon. Une place où l’humidité est agréable. Quand je descends au John Lennon Airport, je suis toujours au fond de moi un peu ému. Ma mère me prépare un bon scouse à la perfection et j’ai alors la sensation d’être chez moi. Les accents de mes proches bercent mes oreilles. Je bois ma dose de thé, je trouve des fringues adaptées à ma carrure de petit homme trapu du nord ouest de l’Angleterre. Et n’oublions pas que Liverpool a quand même le meilleur groupe de la planète: les Beatles sont imbattables, ils sont à l’image de l’équipe de foot de la ville, la meilleure.
“Oh merde je suis une tête de bite ; tel père tel fils”.
Le premier album de Lewis Evans sort le 2 octobre, et est .